Page:Hugo Hernani 1889.djvu/95

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Ce n’est pas de mon temps. Si noire trahison
Pétrifie un vieillard au seuil de sa maison,
Et fait que le vieux maître, en attendant qu’il tombe,
A l’air d’une statue à mettre sur sa tombe.
Maures et castillans ! Quel est cet homme-ci ?
Il lève les yeux et les promène sur les portraits qui entourent la salle.
Ô vous, tous les Silva qui m’écoutez ici,
Pardon si devant vous, pardon si ma colère
Dit l’hospitalité mauvaise conseillère !

Hernani, se levant.

Duc…

Don Ruy Gomez.

Duc…Tais-toi !

Il fait lentement trois pas dans la salle et promène de nouveau ses regards sur les portraits des Silva.
Duc… Tais-toi !Morts sacrés ! aïeux ! hommes de fer !

Qui voyez ce qui vient du ciel et de l’enfer,
Dites-moi, messeigneurs, dites, quel est cet homme ?
Ce n’est pas Hernani, c’est Judas qu’on le nomme !
Oh ! tâchez de parler pour me dire son nom !

Croisant les bras.
Avez-vous de vos jours vu rien de pareil ? Non !
Hernani.

Seigneur duc…

Don Ruy Gomez, toujours aux portraits.

Seigneur duc…Voyez-vous ? il veut parler, l’infâme !
Mais, mieux encor que moi, vous lisez dans son âme.
Oh ! ne l’écoutez pas ! C’est un fourbe ! Il prévoit
Que mon bras va sans doute ensanglanter mon toit,
Que peut-être mon cœur couve dans ses tempêtes
Quelque vengeance, sœur du festin des sept têtes,
Il vous dira qu’il est proscrit, il vous dira
Qu’on va dire Silva comme l’on dit Lara,
Et puis qu’il est mon hôte, et puis qu’il est votre hôte…