Page:Hugo Rhin Hetzel tome 1.djvu/209

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nache rouge que secouait le vent de l’orage, se penchait avec des craquements sourds sur notre toit, déjà allumé et pétillant çà et là. La question était sérieuse ; si notre toit prenait feu, dix maisons à coup sûr, et peut-être, avec l’aide du vent, le tiers de la ville, brûlaient. La besogne a été rude. Il a fallu, sous les flammèches et les tourbillons d’étincelles, écorcer les ardoises d’une partie du toit et couper les pignons-girouettes des lucarnes. Les pompes étaient admirablement servies.

Des lucarnes du grenier je plongeais dans la fournaise et j’étais pour ainsi dire dans l’incendie même. C’est une effroyable et une admirable chose qu’un incendie vu à brûle-pourpoint. Je n’avais jamais eu ce spectacle ; — puisque j’y étais, — je l’ai accepté.

Au premier moment, quand on se voit comme enveloppé dans cette monstrueuse caverne de feu où tout flambe, reluit, pétille, crie, souffre, éclate et croule, on ne peut se défendre d’un mouvement d’anxiété, il semble que tout est perdu et que rien ne saura lutter contre cette force affreuse qu’on appelle le feu ; mais, dès que les pompes arrivent, on reprend courage.

On ne peut se figurer avec quelle rage l’eau attaque son ennemi. À peine la pompe, ce long serpent qu’on entend haleter en bas dans les ténèbres, a-t-elle passé au-dessus du mur sombre son cou effilé et fait étinceler dans la flamme sa fine tête de cuivre, qu’elle crache avec fureur un jet d’acier liquide sur l’épouvantable chimère à mille têtes. Le brasier, attaqué à l’improviste, hurle, se dresse, bondit effroyablement, ouvre d’horribles gueules pleines de rubis, et lèche de ses innombrables langues toutes les portes et toutes les fenêtres à la fois. La vapeur se mêle à la fumée ; des tourbillons blancs et des tourbillons noirs s’en vont à tous les souffles du vent, et se tordent et s’étreignent dans l’ombre sous les nuées. Le sifflement de l’eau répond au mugissement du feu. Rien n’est plus terrible et plus grand que cet ancien et éternel combat de l’hydre et du dragon.

La force de la colonne d’eau lancée par la pompe est prodigieuse. Les ardoises et les briques qu’elle touche se brisent et s’éparpillent comme des écailles. Quand la char-