Page:Hugo Rhin Hetzel tome 2.djvu/114

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À la rigueur, ce pouvait bien ne pas être le rouet de Bauldour ; ce n’était peut-être que le rouet d’une de ses femmes : car auprès de sa chambre Bauldour avait son oratoire, où souvent elle passait ses journées. Si elle filait beaucoup, elle priait plus encore. Pecopin se dit bien un peu tout cela ; mais il n’en écouta pas moins le rouet avec ravissement. Ce sont-là de ces bêtises d’homme qui aime, qu’on fait surtout quand on a un grand esprit et un grand cœur.

Les moments comme celui où se trouvait Pecopin se composent d’extase qui veut attendre et d’impatience qui veut entrer ; l’équilibre dure quelques minutes, puis il vient un instant où l’impatience l’emporte. Pécopin tremblant posa enfin la main sur la clef, elle tourna dans la serrure, le pêne céda, la porte s’ouvrit ; il entra.

— Ah ! pensa-t-il, je me suis trompé, ce n’était pas le rouet de Bauldour.

En effet, il y avait bien dans la chambre quelqu’un qui filait, mais c’était une vieille femme. Une vieille femme, c’est trop peu dire, c’était une vieille fée, car les fées seules atteignent à ces âges fabuleux et à ces décrépitudes séculaires. Or cette duègne paraissait avoir et avait nécessairement plus de cent ans. Figurez-vous, si vous pouvez, une pauvre petite créature humaine ou surhumaine courbée, pliée, cassée, tannée, rouillée, éraillée, écaillée, renfrognée, ratatinée et rechignée ; blanche de sourcils et