Page:Hugo Rhin Hetzel tome 2.djvu/125

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jeune fille, — chanter ce couplet sur un air lent, plaintif et triste :

 
Plas mi cavalier frances,
E la dona catalana,
E l’onraz del ginoes,
E la court de castelana,
Lou cantaz provençales,
E la danza trevisana,
E lou corps aragones,
La mans a kara d’angles,
E lou donzel de Toscana.


J’ai reconnu les joyeux vers de Frédéric Barberousse, et je ne saurais vous dire quel effet m’a fait, dans cette ruine romaine métamorphosée en villa de notaire, au milieu de l’obscurité, à la lueur de cette chandelle, à deux cents toises de la tour des Rats changée en serrurerie, à quatre pas de l’hôtel Victoria, à dix pas d’un bateau-à-vapeur-omnibus, cette poésie d’empereur devenue poésie populaire, ce chant de chevalier devenu chanson de jeune fille, ces rimes romanes accentuées par une bouche allemande, cette gaieté du temps passé transformée en mélancolie, ce vif rayon des croisades perçant l’ombre d’à présent et jetant brusquement sa lumière jusqu’à moi, pauvre rêveur effaré.

Au reste, puisque je vous parle ici des musiques qu’il m’est arrivé d’entendre sur les bords du Rhin, pourquoi ne vous dirais-je pas qu’à Braubach, au moment où notre dampschiff stationnait devant le port pour le débarquement des voyageurs, des étudiants, assis sur le tronc d’un sapin détaché de quelque radeau de la Murg, chantaient en chœur, avec des paroles allemandes, cet admirable air de Quasimodo qui est une des beautés les plus vives et les plus originales de l’opéra de mademoiselle Bertin ? L’avenir, n’en doutez pas, mon ami, remettra à sa place ce sévère et remarquable opéra, déchiré à son apparition avec tant de violence et proscrit avec tant d’injustice. Le public, trop souvent abusé par les tumultes haineux qui se font autour de toutes les grandes œuvres, voudra enfin réviser le jugement passionné fulminé unanimement par les partis