Ses trois forteresses font face de toutes parts. La Chartreuse domine la route de Mayence, le Petersberg garde la route de Trêves et de Cologne, l’Ehrenbreistein surveille le Rhin et la route de Nassau.
Comme paysage, Coblenz est peut-être trop vantée, surtout si on là compare à d’autres villes du Rhin que personne ne visite et dont personne ne parle. Ehrenbreistein, jadis belle et colossale ruine, est maintenant une glaciale et morne citadelle qui couronne platement Un magnifique rocher. Les vraies couronnes des montagnes, c’étaient les anciennes forteresses. Chaque tour était un fleuron.
Quelques-unes, de ces villes ont d’inestimables richesses d’art et d’archéologie. Les plus vieux maîtres et les plus grands peintres peuplent leurs musées. Le Dominiquin, les Carrache, le Guerchin, Jordaens, Snyders, Laurent Sciarpelloni, sont à Mayence. Augustin Braun, Guillaume de Cologne, Rubens, Albert Durer, Mesquida, sont à Cologne. Holbein, Lucas de Leyde, Lucas Cranach, Scorel, Raphaël, la Vénus endormie de Titien, sont à Darmstadt. Coblenz a l’œuvre complet d’Albert Durer, à quatre feuilles près. Mayence a le psautier de 1459. Cologne avait lé fameux missel du château de Drachenfels, colorié au douzième siècle ; elle l’a laissé perdre ; mais elle a conservé et elle garde encore les précieuses lettres de Leibnitz au jésuite de Brosse.
Ces belles villes et ces charmants villages sont mêlés à la nature la plus sauvage. Les vapeurs rampent dans les ravins ; les nuées accrochées aux collines semblent hésiter et choisir le vent ; de sombres forêts druidiques s’enfoncent entre les montagnes dans les lointains violets ; de grands oiseaux de proie planent sous un ciel fantasque qui tient des deux climats que le Rhin sépare, tantôt éblouissant de rayons comme un ciel d’Italie, tantôt sali de brumes rousses comme un ciel du Groenland. Là rive est âpre, les laves sont bleues ; les basaltes sont noires ; partout le mica et le quartz en poussière ; partout des cassures violentes ; les rochers ont des profils de géants camards. Des croupes d’ardoises feuilletées et fines comme des soies brillent au soleil et figurent des dos de sangliers énormes. L’aspect de tout le fleuve est extraordinaire.