présages. En 1346, quand les électeurs, poussés par le pape Clément VI, proclamèrent du haut du Kœnigsstühl Charles, margrave de Moravie, roi des romains, quoique Louis V vécût encore, au cri de vivat rex ! La bannière impériale tomba dans le Rhin et s’y perdit. Cinquante-quatre ans plus tard, en 1400, le fatal présage s’accomplit ; Wenceslas, fils de Charles, fut déposé.
Et cette chute de la bannière fut aussi la chute de la maison de Luxembourg, qui, après Charles Iv et Wenceslas, ne donna plus qu’un empereur, Sigismond, et s’effaça à jamais devant la maison d’Autriche.
Après avoir laissé derrière soi le lieu où fut le Kœnigsstühl, jeté bas comme chose féodale, par la révolution française, on monte vers Braubach, on franchit Boppart, Welmich, Saint-Goar, Oberwesel, et tout à coup à gauche, sur la rive droite, apparaît, semblable au toit d’une maison de géants, un grand rocher d’ardoise surmonté d’une tour énorme qui semble dégorger comme une cheminée colossale la froide fumée des nuées. Au pied du rocher, le long de la rive, une jolie ville, groupée autour d’une église romane à flèche, étale toutes ses façades au midi. Au milieu du Rhin, devant la ville souvent à demi voilée par les brumes du fleuve, se dresse sur un rocher à fleur d’eau un édifice oblong, étroit, de haut bord, dont l’avant et l’arrière coupent le flot comme une proue et une poupe, dont les fenêtres larges et basses imitent des écoutilles et des sabords, et sur la paroi inférieure duquel mille crampons de fer dessinent vaguement des ancres et des grappins. Des bossages capricieux et de petites logettes hors d’œuvre se suspendent ainsi que des barques et des chaloupes aux flancs de cette étrange construction, qui livre au vent, comme les banderoles de ses mâts, les cent girouettes de ses clochetons aigus.
Cette tour, c’est le Gutenfels ; cette ville, c’est Caub ; ce navire de pierre, éternellement à flot sur le Rhin et éternellement à l’ancre devant la ville palatine, c’est le palais, c’est le Pfalz.
Je vous ai déjà parlé du Pfalz. On n’entrait dans cette résidence symbolique, bâtie sur un banc de marbre appelé le rocher des comtes palatins, qu’au moyen d’une échelle,