Page:Hugo Rhin Hetzel tome 2.djvu/204

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Ma chambre était du reste meublée un peu au hasard, comme sont en général les chambres d’auberge. Il y a certains voyageurs qui emportent et d’autres voyageurs qui oublient ; cela fait je ne sais quel flux et reflux dont se ressent le mobilier des chambres d’hôtellerie. Ainsi, entre les deux fenêtres, un canapé était remplacé par deux coussins posés sur une grosse malle de bois évidemment laissée là par un voyageur. D’un côté de la cheminée, à un clou, était accroché un petit baromètre portatif en bronze ; de l’autre côté il ne restait que l’autre clou, auquel avait dû jadis figurer le pendant naturel, quelque thermomètre portatif et commode, probablement emporté par un voyageur peu scrupuleux. Sur cette même cheminée, entre deux bouquets de fleurs artificielles sous verre, comme on en fait rue Saint-Denis, il y avait un véritable vase antique, en terre grossière, trouvé sans doute dans quelque fouille des environs, une sorte de buire romaine à large panse comme on en déterre en Sologne, sur les bords de la Sauldre ; vase assez précieux d’ailleurs, quoiqu’il n’eût ni la pâte des vases de Nola ni la forme des vases de Bari.

Au chevet du lit, dans un cadre de bois noir, pendait une de ces gravures troubadour, style empire, dont notre rue Saint-Jacques a inondé toute l’Europe il y a quarante ans. Au bas de l’image était gravée cette inscription, dont je conserve tout, même l’orthographe : « BIANCA ET SON AMANT FUYANT VERS FLORENCE A TRAVERS LES APENINS. La crinte detre poursuivis leur a fait choisir un chemin peu fréquenté, où ils segarent plusieurs jours. La jeune Bianca, ayant les pieds déchirés par les ronses et les pierres, sest fait une chaussure avec des plantes. »

le lendemain, je me promenai dans la ville.

Vous autres parisiens, vous êtes tellement accoutumés au spectacle d’une ville en crue perpétuelle, que vous avez fini par n’y plus prendre garde. Il se fait autour de vous comme une continuelle végétation de charpente et de pierre. La ville pousse comme une forêt. On dirait que les fondations de vos demeures ne sont pas des fondations, mais des racines, de vivantes racines où la sève coule. La petite maison devient grande maison aussi naturellement,