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XVIII. Où les esprits graves apprendront quelle est la plus impertinente des métaphores.

XIX. Belles et sages paroles de quatre philosophes à deux pieds ornés de plumes.


Bingen, août.

Je vous avais promis quelqu’une des légendes fameuses du Falkenburg, peut-être même la plus belle, la sombre aventure de Guntram et de Liba. Mais j’ai réfléchi. À quoi bon vous conter des contes que le premier recueil venu vous contera, et vous contera mieux que moi ? Puisque vous voulez absolument des histoires pour vos petits enfants, en voici une, mon ami. C’est une légende que du moins vous ne trouverez dans aucun légendaire. Je vous l’envoie telle que je l’ai écrite sous les murailles même du manoir écroulé, avec la fantastique forêt de Sonn sous les yeux, et, à ce qu’il me semblait, sous la dictée même des arbres, des oiseaux et du vent des ruines. Je venais de causer avec ce vieux soldat français qui s’est fait chevrier dans ces montagnes, et qui y est devenu presque sauvage et presque sorcier ; singulière fin pour un tambour-maître du trente-septième léger. Ce brave homme, ancien enfant de troupe dans les armées voltairiennes de la république, m’a paru croire aujourd’hui aux fées et aux gnomes comme il a cru jadis à l’empereur. La solitude agit toujours ainsi sur l’intelligence ; elle développe la poésie qui est toujours dans l’homme ; tout pâtre est rêveur.

J’ai donc écrit ce conte-bleu dans le lieu même, caché dans le ravin-fossé, assis sur un bloc qui a été un rocher jadis, qui a été une tour au douzième siècle et qui est redevenu un rocher, cueillant de temps en temps, pour en aspirer l’âme, une fleur sauvage, un de ces liserons qui sentent si bon et qui meurent si vite, et regardant tour à tour l’herbe verte et le ciel radieux pendant que de grandes nuées d’or se déchiraient aux sombres ruines du Falkenburg.

Cela dit, voici l’histoire :