n’en a été que cela. Vous pouvez compter la chose aux gens qui s’émerveillent de Van Amburgh.
Presque toutes les entrées du grand Bâle sont des portes-forteresses d’un beau caractère, surtout celle qui mène au polygone, fier donjon à toit aigu, flanqué de deux tourelles, orné de statues comme la porte de Vincennes et l’ancienne porte du vieux Louvre. Il va sans dire qu’on l’a ratissé, raboté, mastiqué et badigeonné (en rouge). Deux archers sculptés dans les créneaux sont curieux. Ils appuient contre le mur leurs souliers à la poulaine et semblent soutenir avec d’énormes efforts les armes de la ville, tant elles sont lourdes à porter. En ce moment passait sous la porte un peloton d’environ deux cents hommes qui revenaient du polygone avec un canon. Je crois que c’est l’armée de Bâle.
Près de cette porte est une délicieuse fontaine de la renaissance qui est couverte de canons, de mortiers et de piles de boulets sculptés autour de son bassin, et qui jette son eau avec le gazouillement d’un oiseau. Cette pauvre fontaine est honteusement mutilée et dégradée ; la colonne centrale était chargée de figures exquises dont il ne reste plus que les torses, et par-ci, par-là, un bras ou une jambe. Pauvre chef-d’œuvre violé par tous les soudards de l’arsenal ! ― Mais je reprends la route de Bâle à Zurich.
Pendant quatre heures, jusqu’à Rhinfelden, elle côtoie le Rhin dans une vallée ravissante où pleuvaient, du haut des nuages, toutes les lueurs humides du matin. On laisse à gauche Creutznach, dont la haute tour, tachée d’un cadran blanc, s’aperçoit des clochers de Bâle ; puis on traverse Augst. Augst, voilà un nom bien barbare. Eh bien, ce nom, c’est Augusta. Augst est une ville romaine, la capitale des Rauraques, l’ancienne Raurica, l’ancienne Augusta rauracorum, fondée par le consul Munatius Plancus, auquel les bâlois ont érigé une statue dans leur hôtel de ville, avec épitaphe rédigée par un brave pédant qui s’appelait Beatus Phenanus. Voilà une bien grosse gloire, disais-je, et une bien petite ville. En effet, l’Augusta-Rauracorum n’est plus maintenant qu’un adorable décor pour un vaudeville suisse. Un groupe de cabanes pittoresques, posé sur un rocher, rattaché par deux vieilles portes-forteresses ;