Page:Hugo Rhin Hetzel tome 3.djvu/119

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C’était en français. Je regarde le titre : ― Amours secrètes et aventures honteuses de Napoléon Buonaparte, avec gravures. ― Je regarde les gravures : ― un homme à gros ventre et à profil de polichinelle, avec redingote et petit chapeau, mêlé à toutes sortes de femmes nues. Je regarde la date : ― 1814.

J’ai eu la curiosité de lire. ô mon ami ! Que vous dire de cela ? Comment vous donner une idée de ce livre imprimé à Paris par quelque libelliste et oublié à Zurich par quelque autrichien ? — Napoléon Buonaparte était laid ; ― ses petits yeux enfoncés, son profil de loup et ses oreilles découvertes lui faisaient une figure atroce. ― il parlait mal ; n’avait aucun esprit et aucune présence d’esprit ; marchait gauchement, se tenait sans grâce et prenait leçon de Talma chaque fois qu’il fallait « trôner ». ― Du reste, sa renommée militaire était fort exagérée ; il prodiguait la vie des hommes ; il ne remportait des victoires qu’à force de bataillons. (Reprocher les bataillons aux conquérants ! Ne croiriez-vous pas entendre ces gens qui reprochent les métaphores aux poètes ?) ― Il a perdu plus de batailles qu’il n’en a gagné. ― Ce n’est pas lui qui a gagné la bataille de Marengo, c’est Desaix ; ce n’est pas lui qui a gagné la bataille d’Austerlitz, c’est Soult ; ce n’est pas lui qui a gagné la bataille de la Moskowa, c’est Ney [1]. ― Ce n’était qu’un capitaine du second ordre, fort inférieur aux généraux du grand siècle, à Turenne, à Condé, à Luxembourg, à Vendôme ; et, même de nos jours, son « talent militaire » n’était rien, comparé au « génie guerrier » du duc de Wellington. De sa personne, il était poltron. Il avait peur au feu. Il se cachait pendant la canonnade à Brienne. (A Brienne !) ― Il avait vices sur vices. ― Il mentait comme un laquais. ― Il était avare au point de ne donner que dix francs par jour à une femme qu’il entretenait dans une petite rue solitaire du faubourg Saint-Marceau. (l’auteur dit : J’ai vu la rue, la maison et la femme.) il était jaloux au point d’enfermer cette femme,

  1. En 1814 on se servait contre Buonaparte des noms si justement renommés des lieutenants de Napoléon ; aujourd’hui tout est à sa place : Desaix, Soult, Ney, sont de grandes et illustres figures ; Napoléon est dans sa gloire ce qu’il était dans son armée, l’Empereur.