Page:Hugo Rhin Hetzel tome 3.djvu/125

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le gibet. Au moyen âge, et même il n’y a pas plus de cent ans, dans toute commune souveraine, une potence convenablement garnie était une chose élégante et magistrale. La cité ornée de son gibet, le gibet orné de son pendu, cela signifiait Ville Libre.

J’avais grand’faim, il était tard ; j’ai commencé par dîner. On m’a apporté un dîner français, servi par un garçon français, avec une carte en français. Quelques originalités, sans doute involontaires, se mêlaient, non sans grâce, à l’orthographe de cette carte. Comme mes yeux erraient parmi ces riches fantaisies du rédacteur local, cherchant à compléter mon dîner, au-dessous de ces trois lignes :

haumelette au chantpinnions,
biffeteque au craison,
hépole d’agnot au laidgume,

je suis tombé sur ceci :

calaïsche à la choute, ― 10 francs.

Pardieu ! Me suis-je dit, voilà un mets du pays : calaïsche à la choute. Il faut que j’en goûte. Dix francs ! Cela doit être quelque raffinement propre à la cuisine de Schaffhouse. J’appelle le garçon.

— Monsieur, une calaïsche à la choute.

Ici le dialogue s’engage en français. Je vous ai dit que le garçon parlait français.

— Vort pien, monsir. Temain matin.

— Non, dis-je, tout de suite.

— Mais, monsir, il est pien tard.

— Qu’est-ce que cela fait ?

— Mais il sera nuit tans eine hère.

— Eh bien ?

— Mais monsir ne bourra bas foir.

— Voir ! voir quoi ? Je ne demande pas à voir.

— Che gombrends bas monsir.

— Ah çà ! C’est donc bien beau à regarder, votre calaïsche à la choute ?

— Vort peau, monsir, atmiraple, manifigue !

— Eh bien, vous m’allumerez quatre chandelles tout autour.

— Quadre