mille poids d’huile et de vinaigre, fournis par l’Andalousie, le poids valait vingt-cinq livres ; vingt-six mille fanègues de fèves, fournies par Carthagène et la Sicile ; vingt-six mille poinçons de vin, fournis par Malaga, Maxovella, Ceresa et Séville. Les provisions en blé, fer et toiles venaient d’Andalousie, de Naples et de Biscaye. Le total s’en est perdu.
Cette flotte portait une armée : vingt-cinq mille espagnols, cinq mille tirés des régiments d’Italie, six mille des Canaries, des Indes et des garnisons de Portugal, le reste de recrues ; douze mille italiens, commandés par dix mestres de camp ; vingt-cinq mille allemands ; douze cents chevau-légers de Castille, deux cents de la côte et deux cents de la frontière, c’est-à-dire seize cents cavaliers ; trois mille huit cents canonniers et quatre cents gastadours ; ce qui, en y comprenant les neuf mille marins, faisait en tout soixante-seize mille huit cents hommes.
Ce monstrueux armement eût anéanti l’Angleterre. Un coup de vent l’emporta.
Ce coup de vent, qui souffla dans la nuit du 2 septembre 1588, a changé la forme du monde.
Outre ses forces visibles, l’Espagne avait ses forces occultes. Certes, sa surface était grande, mais sa profondeur était immense. Elle avait partout sous terre des galeries, des sapes, des mines et des contre-mines, des fils cachés, des ramifications inconnues, des racines inattendues. Plus tard, quand Richelieu commença à donner des coups de bêche dans le vieux sol européen, il était surpris à chaque instant de sentir rebrousser l’outil et de rencontrer l’Espagne. Ce qu’on voyait d’elle au grand jour allait loin ; ce qu’on ne voyait pas pénétrait plus avant encore. On pourrait dire que, dans les affaires de l’univers à cette époque, il y avait encore plus d’Espagne en dessous qu’en dessus.
Elle tenait aux princes d’Italie par les mariages, Austria, nube ; aux républiques marchandes, par le commerce ; au pape, par la religion, par je ne sais quoi de plus catholique que Rome même ; au monde entier, par l’or dont elle avait la clef. L’Amérique était le coffre-fort, l’Espagne était le caissier. Comme maison d’Autriche, elle dominait pompeusement l’Allemagne et la menait sourdement. L’Allemagne,