cents bouteilles ordinaires. On la remplissait par un trou percé dans la voûte au-dessus de la bonde, et on la vidait avec une pompe qui est encore là suspendue au mur. Cette futaille monstre a été pleine trois fois de vin du Rhin. La première fois qu’elle fut remplie, l’électeur dansa avec sa cour sur la plate-forme qui la surmonte. Depuis 1770 elle est vide.
Le vin s’y améliorait.
Au reste, cette tonne n’est pas l’ancien Gros Tonneau de Heidelberg, couvert de si curieuses sculptures et construit en 1595, par l’électeur Jean-Casimir, pour solenniser je ne sais quelle réconciliation de luthériens et de calvinistes. Charles-Théodore l’a fait démolir vers 1750 pour bâtir celui-ci, qui est plus grand, mais moins orné.
Outre le gros tonneau, les caveaux du château palatin, dont les profondeurs s’ouvrent de toutes parts comme des antres, renfermaient ce qu’on appelait les petits tonneaux. Ces petits tonneaux n’avaient guère que la hauteur d’un premier étage. Il y en avait dix ou douze. Il n’en reste plus qu’un, qu’on m’a montré dans sa cellule à quelques pas de la grande tonne. Il ne contenait que le cinquième du gros tonneau. C’est un fort bel assemblage de douves en bois de chêne, fabriqué au temps de Louis XIII, orné par les électeurs palatins de l’écusson de Bavière et de trois têtes de lion sur chacune de ses faces, et, par les soldats français, de quelques coups de hache. C’était en 1799. Le tonneau était plein de vin du Rhin, nos soldats voulurent l’enfoncer. Le tonneau tint bon. Ils avaient brisé les murailles de la citadelle, ils ne purent faire brèche au tonneau.
Ce petit tonneau est vide depuis 1800.
En se promenant dans l’ombre que jette la grosse tonne, on aperçoit tout à coup, derrière des madriers qui l’étançonnent, une singulière statue de bois, sur laquelle un soupirail jette un rayon blafard. C’est une espèce de petit vieillard jovial, grotesquement accoutré, à côté duquel une grossière horloge pend accrochée à un clou. Une ficelle sort de dessous cette horloge, vous la tirez, l’horloge s’ouvre brusquement, et laisse échapper une queue de renard qui vient vous frapper le visage. Ce petit