Page:Hugo Rhin Hetzel tome 3.djvu/89

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gros rubis non taillé figure la plaie du côté. La statue en pierre de l’évêque, adossée au mur voisin, le contemple avec adoration. L’évêque est debout ; il a une fière figure barbue, la mitre en tête, la crosse au poing, la cuirasse sur le ventre, l’épée au côté, l’écu au coude, les bottes de fer aux jambes et le pied posé sur un lion. C’est très-beau.

Je ne suis pas monté au clocher. Freiburg est dominé par une grande colline, presque montagne, plus haute que le clocher. J’ai mieux aimé monter sur la colline. J’ai d’ailleurs été payé de ma peine par un ravissant paysage. Au centre, à mes pieds, la noire église avec son aiguille de deux cent cinquante pieds de haut ; tout autour, les pignons taillés de la ville, les toits à girouettes, sur lesquels les tuiles de couleur dessinent des arabesques ; çà et là, parmi les maisons, quelques vieilles tours carrées de l’ancienne enceinte ; au delà de la ville, une immense plaine de velours vert frangée de haies vives, sur laquelle le soleil fait reluire les vitres des chaumières comme des sequins d’or ; des arbres, des vignes, des routes qui s’enfuient ; à gauche, une hauteur boisée dont la forme rappelle la corne du duc de Venise ; pour horizon quinze lieues de montagnes. Il avait plu toute la journée ; mais, quand j’ai été au haut de la colline, le ciel s’est éclairci, et une immense arche de nuages s’est arrondie au-dessus de la sombre flèche toute pénétrée des rayons du soleil.

Au moment où j’allais redescendre, j’ai aperçu un sentier qui s’enfonçait entre deux murailles de rochers à pic. J’ai suivi ce sentier, et, au bout de quelques pas, je me suis trouvé brusquement comme à la fenêtre sur une autre vallée toute différente de celle de Freiburg. On s’en croirait à cent lieues. C’est un vallon sombre, étroit, morose, avec quelques maisons à peine parmi les arbres, resserré de toutes parts entre de hautes collines. Un lourd plafond de nuées s’appuyait sur les croupes espacées des montagnes comme un toit sur des créneaux ; et, par les intervalles des collines, comme par les lucarnes d’une tour énorme, je voyais le ciel bleu.

A propos, à Freiburg, j’ai mangé des truites du Haut-Rhin, qui sont d’excellents petits poissons — et forts jolis : bleus, tachés de rouge.