Page:Hugolin - Au fond du verre, histoires d'ivrognes, 1908.djvu/26

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 28 —

l’on peut… et pour l’instant le battu s’en contentait faute de mieux… il criait.

Le colloque entre le bâton et sa victime dura bien cinq minutes. Le bâton cessa enfin de parler, la victime se tut aussi ; alors la mère Michaud prit la parole.

Il n’y avait pas de copieuses explications à donner pour faire comprendre à l’ivrogne ce qui venait de se passer… Aussi n’en donna-t-elle pas ; mais elle tint ce langage :

« Michaud, je m’en tiens là pour cette fois. Mais écoute bien ce que j’ai à te dire avant que je te découse.

Si tu te saoules encore, tu dormiras ; et si tu dors, je te coudrai — et quand tu seras cousu… la vieille ramena le bâton vers le dos du bonhomme…

— Aïe ! fit-il.

— Et maintenant, vas-tu me toucher si je te découds ?

— Non » ragea le pauvre battu, tout au désir d’être enfin libéré…

Ô merveille de conversion ! ce que les larmes et les reproches, les supplications et les cris, les neuvaines et les cierges n’avaient pu opérer en 30 ans, le bâton l’avait obtenu en une fois.

Le père Michaud, au sortir de l’atelier le samedi, dans un cauchemar effrayant se voit cousu dans son lit, et la vieille jouant