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Alors, presque pieusement,
Je rhabillai dans ma pensée
Celle que j’avais un moment
D’un rêve subtil enlacée.

Les regards maintenant emplis
D’un bout de ses menottes blanches,
Je remis mon cœur dans les plis
Du manteau qui baisait ses hanches.

Elle était toujours là, le front
Un peu penché, la taille frêle,
Pensive sous son chapeau rond…
Mais quand je passai devant elle,

Je baissais les yeux, je sentis
S’ouvrir mon âme chaste et bonne,
Comme quand nous étions petits,
En passant devant la Madone.



LA PETITE COUSINE


Un jour vint à notre maison
Une petite demoiselle ;
C’était au temps de la moisson ;
J’étais en vacances comme elle.

Un beau sourire triomphant
Étoilait sa lèvre mutine.
Ma mère me dit : « Mon enfant,
Voilà ta petite cousine ! »

J’avais alors douze ans : c’était
L’âge qu’avait aussi Marie,
Et pour nous l’oiseau bleu chantait
Sur la même branche fleurie.

J’avais un esquif de bouleau
Pavoisé d’un brin d’aubépine :
Je courus le lancer sur l’eau
Avec ma petite cousine.