Page:Hugues - Vers, 1888.djvu/7

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
7


Je livre au sort de longs combats
Et souvent ma tête s’incline…
Heureux qui n’a pas ici-bas
Perdu sa petite cousine !


SICÈTE


Ô jeunesse ! ô virginité !
Dans le parler de ma Provence
Où le mot le plus effronté
A de petits airs d’innocence,

J’avais entendu dire un jour
Que ma voisine, une fillette
Aux doux yeux bleus noyés d’amour,
Jouait volontiers « à sicète ».

« Sicète ! » Je crus que c’était
Quelque baiser, quelque caresse.
Or, comme dans mon cœur montait
Un vague frisson de jeunesse,

Un soir que nous étions au bois,
Seuls, à cueillir la violette,
Je lui dis en baissant la voix :
« Veux-tu pas jouer « à sicète » ?

Son front s’inclina vers le mien :
Elle rougit comme une fraise.
Puis murmura : « Je le veux bien.
« Pourvu que ta langue se taise ! »

Et je me mis à l’embrasser
Sur chaque joue, à rendre l’âme.
Pendant une heure, sans penser
Qu’on pût varier le programme.

Elle parlait tout bas, tout bas,
Charmante, avec d’étranges poses.
De son fichu bleu, de ses bas
Et de ses jarretières roses.