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ne pourroit le leur disputer en éloquence, ni les couleurs elles-mêmes se remplacer indifféremment les unes les autres : ce dont nous avertiroit toujours le sentiment, soit en exigeant dans tel ou tel objet une association plus analogue entre les formes et les couleurs, soit en applaudissant à celle qui existe déjà ; et pareil arrêt, c’est l’emploi absolu des couleurs qui nous le dicte. Des banderoles et des écharpes blanches flottent et se donnent de temps immémorial, et encore de nos jours, en gage de paix et de bienveillance chez les Hindoux et parmi la plupart des insulaires de la grande mer du Sud. D’autres peuples anciens et modernes rappellent un pareil usage ; et lorsque Platon nous dit que les temples consacrés aux dieux, et les vêtements de l’homme pacifique et lumineux doivent offrir cette couleur, dont les mystères du Sabéisme, avaient fait également le symbole de l’innocence et de la sainteté, toutes ces idées et ces allusions si remarquablement analogues, ne remontent-elles pas à une seule et même source sentimentale ? aux impressions que nous causent la clarté du jour, la lumière argentine et paisible de la lune, la pureté de la neige ? de même que les ténèbres de la nuit et les sombres entrailles de, la terre ont dû faire attacher à toute couleur obscure ou noire une acception de silence, de solitude, de tristesse, de more, d’anéantissement. Et si le blanc et le noir, l’un la lumière elle-même, l’autre sa privation, provoquent naturellement ces différentes interprétations, comment ne pas leur associer encore une troisième propriété non moins frappante ? Hiéroglyphe instinctif de vie et de mouvement, de calorique et d’éclat, la couleur rouge sera l’excès du rayon lumineux, comme le noir en est l’absorption et le néant : et si ensuite l’on réfléchit que ni la clarté, ni les ténèbres, ni la flamme, ni le sang ne se conçoivent sous une forme quelconque distincte et déterminée, et que c’est par leurs seules couleurs que tous ces phénomènes se distinguent entre eux, et nous impressionnent chacun si différemment, seroit-il alors si étonnant que le sentiment en assimilât, selon le genre de leur impression sur nous, les signes colorés aux signes linéaires révélateurs (de cette impression) sur la face humaine ? qu’il les regardât les uns et les autres comme signes identiques d’un même langage inconditionnel ; et qu’ainsi l’éloquence des uns, lui rappelât toujours l’éloquence des autres ? que l’on en juge !

rouge blanc noir

La couleur blanche, signe coloré unique et invariable, occuperait, à l’instar de la direction horizontale, la place milieu entre deux extrêmes, qui, se nuançant comme vers elle, nous donneroient les couleurs intermédiaires, équivalentes à leur tour, du plus ou moins d’obliquité