Aller au contenu

Page:Hume - Œuvres philosophiques, tome 1, 1788.djvu/250

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
242
Essais.

tions toutes nos réflexions, & toutes nos démarches ont porté l’empreinte[1]

  1. On peut rendre une autre raison de la grande vogue que la doctrine de la liberté s’est acquise. Il y a une sensatioa trompeuse d’un état indifférent, fondée sur une fausse lueur d’expérience qui accompagne, ou peut du moins accompagner, plusieurs de nos actions. La nécessité d’une action, soit matérielle, soit spirituelle, n’est pas, à proprement parler, une qualité inhérente dans l’agent ; elle est l’état d’un être pensant qui considere cette action : & elle consiste principalement dans cette détermination de la pensée qui tire l’action présente d’un objet précédent. Il en est de même de la liberté, en tant qu’on l’oppose à la nécessité, elle n’est autre chose que l’absence de cette détermination, un certain état vague, une certaine indifférence que nous sentons en passant, ou en ne passant pas, de l’idée d’un objet à celle d’un autre. Il est à remarquer que nous nous trouvons rarement dans cette situatien vague & indifférente lorsque nous réfléchissons sur les actions des autres ; nous déduisons ordinairement ces actions, avec beaucoup de certitude, de leurs motifs & des dispositions de l’agent : &, au contraire, cela nous arrive très-fréquemment lorsque nous agissons nous-mêmes. Or, comme les objets semblables sont aisément confondus, on a pris ceci pour une preuve démonstrative & intuitive même de la liberté humaine. Dans la plupart des occasions, nous sentons nos actions assujetties à notre volonté, & nous nous imagi-