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Page:Hume - Œuvres philosophiques, tome 1, 1788.djvu/488

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Les quatre.

monde ; on pouvoit se passer de son secours : & si ce sont des réflexions peu naturelles & difficiles à saisir, comptez quelles ne feront d’aucun usage. L’art & l’industrie n’ont point de prise sur nos affections. Une pensée que nous enfantons à force de nous tourmenter l’esprit, & que nous ne retenons qu’avec beaucoup de peine, ne produira jamais rien de semblable à ces mouvemens que la nature fait sortir du fond de nos ames. Vit-on jamais naître ou se rallentir une passion par les raisonnemens artificieux de Sénèque ou d’Épictete ? J’aimerais autant qu’un amant tentât de se guérir, en contemplant sa maîtresse à travers le microscope. Il y verroit, à la vérité, une peau raboteuse, & des traits monstrueux ; mais le souvenir de sa figure naturelle demeureroit toujours le plus fort. Les méditations philosophiques sont trop recherchées, & trop alambiquées, pour influer sur nos mœurs, & pour déraciner nos penchans. La philosophie qui opere ces grands effets a placé son siége au-dessus de la région des vapeurs ; la respiration nous manque dans un air aussi subtil.