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Histoire naturelle.

des objets qui nous sont familiers ; ces objets ne réveillent ni notre curiosité, ni même notre attention ; quelque extraordinaires, quelque surprenans qu’ils puissent être, le gros des hommes les voit sans les examiner. Nous concevons Adam, tel qu’il nous est dépeint dans le poëme de Milton, paroissant tout d’un coup dans le paradis, avec l’usage parfait de toutes ses facultés ; il étoit naturel sans doute qu’il fut frappé du brillant spectacle dont il se trouvoit environné : les cieux, l’air, la terre, son propre corps, tout dévoit lui causer de l’étonnement, & le porter à se demander, d’où pouvoient venir tant de merveilles. Mais un animal sauvage & misérable, tel qu’étoit l’homme dans l’origine de la société, un animal en proie aux besoins & aux passions, peut-il avoir le loisir d’admirer les beautés de la nature ? Lui peut-il venir dans l’esprit de rechercher les causes de ces objets avec lesquels une confiante habitude l’a familiarisé dès sa plus tendre enfance ? Tout au contraire, plus la nature lui paraît régulière & uniforme, c’est-à-dire, plus elle est parfaite, plus aussi il y est accou-