Page:Hume - Œuvres philosophiques, tome 4, 1788.djvu/121

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
113
sur la regle du Goût.

loppé ; il discernera jusqu’au genre & au degré de plaisir ou de déplaisir que chaque partie est propre à produire. Dès-lors le brouillard, qui sembloit lui voiler les objets, se dissipe, ses organes jouent avec plus d’aisance & de perfection, il décide du prix des choses sans craindre de se tromper : en un mot, cette adresse, cette dextérité que l’exercice donne à l’ouvrier, il la donne encore à celui qui juge de l’ouvrage.

Telle est la prérogative de la routine, qu’on ne sauroit juger d’un écrit qui est de quelque importance sans l’avoir lu plus d’une fois, sans l’avoir envisagé sous différens points de vue. & sans y avoir mûrement réfléchi. Une premiere lectute ne se fait jamais de sens rassis, on se précipite, on ne fait que voltiger sur les idées, on ne voit pas ce qui est véritablement beau, on ne saisit pas les proportions & le rapport des parties, on ne remarque pas le caractere du style, les perfections & les défauts, enveloppés d’une espece de nuages se présentent d’une manière peu distincte à l’imagination : pour ne pas dire qu’il y a des beautés superficielles, de pe-