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sur la regle du Goût.

puissions avoir pour les préjugés d’un écrivain, nous ne saurions prendre sur nous d’applaudir à des sentimens & à des mœurs aussi répréhensibles.

Il faut faire ici une grande différence entre les principes de morale & les opinions spéculatives : ces dernieres sont dans un flux perpétuel ; le systême du pere n’est pas celui du fils ; à peine trouveroit-on un homme qui soit constant & toujours le même à cet égard. Les erreurs de spéculation, de quelque nature qu’elles puissent être, n’ôtent donc que fort peu de chose aux mérites d’un bel écrivain ; l’imagination du lecteur s’y fait aisément, elle se plie à toutes sortes d’opinions, & n’en goûte pas moins les beautés qui y tiennent. Mais il faudroit un effort bien violent pour changer le jugement que nous portons des mœurs, & pour faire tomber l’approbation ou le blâme, là haine ou l’amour sur d’autres objets que sur ceux auxquels une longue habitude nous a appris à attacher ces sentimens. Un homme, intimement pénétré de la rectitude de la morale qui regle ses décisions, a raison d’en être