domine par toutes ses émotions, il les convertit en sa propre nature, ou du moins leur en donne une teinte assez forte pour changer entiérement la leur. L’ame étant tout à la fois agitée par la passion, & transportée par l’éloquence, ces deux impressions se confondent en une, qui est délicieuse.
Le même principe a lieu dans la tragédie : à quoi nous pouvons ajouter que la tragédie est une imitation ; & que toute imitation plaît par elle-même. Cela contribue, sans doute, à ôter aux passions ce qu’elles ont de triste, en sorte que sur le tout il ne reste qu’un sentiment uniforme, une jouissance agréable. Les objets les plus tristes & les plus terribles nous ; plaisent sur la toile, & même d’avantage que les plus beaux objets qui n’ont rien : d’intéressant[1]. Le mouve-
- ↑ les peintres expriment la tristesse & la douleur, aussi-bien que les autres passions ; mats sans y appuyer autant que les poëtes : ceux-ci au contraire, quoiqu’ils copient tous les mouvemens de l’ame, passent fort légérement sur les sensations agréables. Le peintre ne représente qu’un instant, & s’il peut le remplir de passion, il est sûr de plaire au spectateur, au-lieu que pour varier scenes, les intrigues, les senti-