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sur la Tragédie.

ils le pinceau de cette mythologie spirituelle ? c’est pour peindre les fables d’Ovide : ces sujets, il est vrai, ne manquent pas de passion, & sont assez gracieux ; mais à peine sont ils assez naturels, ou assez vraisemblables pour se soutenir sur la toile.

Ce n’est pas seulement dans la poésie & dans l’art oratoire que se découvrent ces effets de l’inversion de notre principe ; l’on en voit des traces dans la vie ordinaire des hommes. Par-tout ou la passion subordonnée vient à se changer en passion dominante, elle engloutit le sentiment qu’elle nourrissoit & fortifioit. Trop de jalousie étouffe l’amour : trop de difficulté nous refroidit : trop d’infirmité & de maladie dans un enfant dégoûte ses parens, sur-tout s’ils ont plus d’amour propre que de tendresse.

Qu’y a-t-il de plus déplaisant que ces contes sombres, funestes & désastreux, dont les personnes mélancoliques entretiennent sans cesse ceux qui les approchent ? La passion désagréable, se trouvant ici toute seule, sans être mitigée ni par l’esprit, ni par le génie,