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Page:Hume - Œuvres philosophiques, tome 5, 1788.djvu/159

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de Morale.

complaisance & d’estime : les idées de bonheur, de joie, de triomphe, de prospérité sont liées avec chaque nuance de son caractere, & répandent sur nos cœurs un sentiment délicieux d’humanité & de sympathie[1].

Supposons un homme constitué de façon à ne prendre aucun intérêt à ses semblables,

  1. On pourroit dire hardiment qu’il n’y a point de créature humaine à qui la vue du bonheur n’inspire de plaisir, & à qui la vue de l’infortune ne cause du déplaisir, à moins qu’elle ne soit possédée par le ressentiment & par l’envie. D’ailleurs, ce sentiment paroît inséparable de notre être, mais il n’y a que les ames généreuses qu’il pousse à chercher avec ardeur le bonheur des autres, & à qui il inspire une passion réelle pour leur félicité. Chez les hommes d’une ame rétrécie & commune, cette sympathie ne va point au-delà d’un foible mouvement de l’imagination, qui sert seulement à exciter en eux des sentimens d’approbation ou de blâme, & qui fait qu’ils donnent à un objet des dénominations honorables ou infamantes. Un avare louera l’industrie & la frugalité même dans les autres, & il les regardera comme fort au-dessus de toutes les autres vertus ; il connoît le bien qui en résulte, il sent cette espece de bonheur plus vivement que tout autre dont on pourroit lui faire la peinture, malgré cela il ne donneroit peut-être pas un écu pour faire la fortune de l’homme industrieux dont il fait tant de cas.