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Page:Hume - Œuvres philosophiques, tome 5, 1788.djvu/193

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de Morale.

rement dégradé. Insulté par un tribun, il lui dit d’un air fier, ne suis-je pas toujours ton empereur[1] ?

Dans la société & dans le commerce de la vie, nous n’excusons jamais un manque total de grandeur d’ame, & de dignité dans le caractere, l’oubli parfait de ce que l’on se doit à soi-même ; c’est ce défaut qui constitue ce que nous appellons bassesse ; c’est lorsqu’un homme, pour réussir dans ses projets, peut subir la servitude la plus honteuse, se résoudre à caresser ceux qui l’outragent, & à se dégrader par des liaisons déshonorantes avec des hommes infâmes ou au-dessous de lui. Cette portion de fierté noble ou d’estime de soi-même est si nécessaire, que l’absence de ce sentiment dégrade un homme

  1. Voyez Tacite, livre III. Cet auteur dit : Laniata reste, fœdum spectaculum ducebatur, multis increpantibus, nullo illacrimante : deformitas exitus misericordiam abstuleras. Pour entrer dans cette façon de penser, il faut avoir égard aux maximes des anciens qui défendoient de prolonger sa vie au-delà du déshonneur, & comme selon eux on avoit droit d’en disposer, c’étoit un devoir de s’en priver.