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Essais

destie se prend le plus communément, c’est l’opposé de l’arrogance & de l’effronterie ; alors elle annonce une défiance de son propre jugement, & une déférence convenable pour celui des autres ; cette qualité est, dans les jeunes gens surtout, un signe certain d’esprit & de sens qu’elle leur fournit les moyens d’augmenter, parce qu’elle leur fait prêter l’oreille à l’instruction, & qu’ils peuvent acquérir par-là de nouvelles perfections ; mais indépendamment de toutes ces réflexions, la modestie a des attraits très-puissans pour ceux, qui en sont les spectateurs, parce qu’elle flatte leur vanité, en leur offrant l’image d’un disciple docile, qui reçoit avec attention & avec respect les préceptes qu’ils veulent bien lui donner[1].

  1. Les hommes, quoi qu’en dise Aristote, sont portés à s’estimer plutôt au-dessus qu’au-dessous de leur valeur, & voilà pourquoi il est si aisé de nous blesser en portant trop loin l’estime de soi-même, au-lieu que nous avons une indulgence particuliere pour tout ce qui annonce de la modestie ou de la défiance de son propre mérite ; nous trouvons beaucoup moins d’inconvénient à cet excès-là. C’est ainsi