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Essais

néreux & élevé. Il faut pour réussir dans la société de l’attention jusques dans les petites choses, & personne n’est surpris de

    ment, sur-tout dans les jeunes gens, le plus léger penchant vers la modestie même dans les sentimens intérieurs, mais on exige que ce penchant se montre dans la conduite extérieure ; cela n’exclut point la grandeur d’ame & une noble fierté que l’on peut faire paroître dans toute sa force, lorsqu’on est calomnié ou opprimé injustement. L’obstination généreuse de Socrate, comme Cicéron l’appelle, a mérité les éloges de tous les siecles, & lorsqu’elle est jointe à la modestie d’une conduite simple, elle nous présente le caractere le plus élevé. Iphicrate, général des Athéniens, étant accusé d’avoir trahi les intérêts de sa patrie, dit à son accusateur : auriez-vous en pareil cas été capable de ce crime ? Nullement, répondit son ennemi. Comment, réplique le héros, pouvez-vous donc imaginer qu’Iphicrate en soit coupable ? Voyez Quintilien, liv. V. chap. 12. En un mot, la grandeur d’ame & une noble estime de soi-même, lorsqu’elle est fondée, convenablement déguisée, & soutenue avec fermeté, est une très-grande vertu ; elle semble recevoir son prix de son élévation, & du plaisir qu’elle cause à celui qui la possede. Dans les hommes ordinaires, nous approuvons le penchant à la modestie comme une qualité agréable aux autres. L’excès vicieux de la fierté, c’est-à-dire, l’insolence & la hauteur sont désagréables aux autres, l’excès de la modestie l’est pour celui qui la possede. Ces réflexions peuvent servir à fixer les limites de ces vertus.