Page:Hume - Œuvres philosophiques, tome 5, 1788.djvu/30

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
22
Essais

toute sa douleur ne vient que d’un sentiment généreux, sans aucun mélange de vues basses & intéressées ; mais quel motif peut-on supposer à l’attendrissement d’un homme qui regrette un ami vertueux & estimable, un ami qui avoit besoin de la protection de ses secours ? Croira-t-on que ces regrets viennent de je ne sais quelle considération métaphysique de son intérêt particulier, qui n’est fondée sur aucune réalité ? En supposant, à des petits ressorts ou à des roues d’une montre, la force de donner le mouvement à une voiture très-chargée, on auroit tout autant de raison qu’en puisant dans des réflexions aussi éloignées l’origne des sentimens de notre ame.

Nous remarquons que différens animaux sont susceptibles d’attachement, tant pour leur espece que pour la nôtre ; & l’on ne sauroit soupçonner de l’art ou du déguisement dans leur fait. Dirons-nous aussi que tous leurs sentimens ne viennent que d’un rafinement d’amour-propre ? Et si nous admettons une bienveillance désintéressée dans des êtres inférieurs, par quelle regle d’analogie refu-