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Essais

imaginer par rapport aux autres avantages de la société.

Supposons qu’une créature qui jouit de la raison, mais qui ne connoît pas la nature humaine, délibére au-dedans d’elle-même sur les loix de justice & de propriété les plus avantageuses à l’intérêt général, & les plus propres à maintenir la paix & la sûreté parmi les hommes : la premiere idée qui lui viendroit à l’esprit, seroit d’assigner les possessions les plus considérables à la vertu la plus étendue, &de laisser à chacun le pouvoir de faire du bien à proportion de ses inclinations. Dans une parfaite théocratie, où un Être infiniment intelligent gouverne par des actes de volonté particuliers, cette regle pourroit être suivie, & rempliroit la sagesse des vues du législateur : mais parmi les hommes, le mérite devient une chose si incertaine & par l’obscurité où il aime à se tenir, & par l’amour-propre des autres, que jamais il ne pourroit servir de regle de conduite dans leurs partages, & la suite immédiate d’une telle loi seroit la destruction entiere de la société. Des fanatiques pourront