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de Morale.

Qu’est-ce que la propriété d’un citoyen ? C’est tout ce dont il a lui seul l’usage légi-

    ment de la justice & de la propriété. Joignez à cela que l’obligation où nous sommes d’obéir aux magistrats & aux loix, n’est encore fondée que par ce même intérêt de la société. Si les idées de justice ne sont pas toujours inséparables des dispositions des loix civiles ; nous verrons que ces cas, au lieu de former des objections, servent à confirmer le systême qui a été établi ci-dessus. Lorsqu’une loi civile est assez mauvaise pour être contraire à l’intérêt public, elle perd toute son autorité, & les hommes se régleront dans ce cas d’après les idées de la loi naturelle, qui est toujours conformer à cet intérêt. Il arrive aussi quelquefois que les loix civiles, pour des rayons d’utilité, exigent une cérémonies ou une formalité, & que dans le cas d’omission, il ne décernent des choses contraires à la justice ordinaire, mais celui qui tire avantage de pareilles chicanes, n’est point regardé comme un honnête homme. Ainsi l’intérêt de la société demande que les contrats & les engagement soient observés, & il n’y a pas d’article plus important, tant en justice civile que suivant la justice naturelle. Mais souvent l’omission d’une circonstance minutieuse en elle-même suffit pour invalider un contrat au tribunal des hommes, qu’elle ne saurait invalider au tribunal de notre conscience pour me servir de l’expression des théologiens. Dans ce cas on suppose que la loi civile a seulement voulu donner plus de force au droit, & non pas le changer ; mais lorsque son but se dirige sur ce qui est juste conformément aux intérêts de la société, elle ne manque jamais, quand il le faut, de sacrifier le droit