Page:Hume - Œuvres philosophiques, tome 6, 1788.djvu/12

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
4
Essais

plaindre, & doit faire des efforts pour les adoucir. Les biens & les maux de la vie ne sont gueres en notre disposition ; mais nous pouvons choisir nos lectures, nos récréations, nos sociétés. Les philosophes qui ont voulu rendre le bonheur tout-à-fait indépendant des choses de dehors, ont tenté l’impossible : cependant tout homme sage doit tâcher de trouver son bonheur dans des objets qu’il a le pouvoir de se procurer ; & la délicatesse du goût lui en fournit les plus sûrs moyens. Ceux qui ont le talent de sentir le beau sont plus heureux par ce sentiment, qu’ils ne pourroient l’être en satisfaisant leurs appétits : une belle poésie, un raisonnement bien conduit a pour eux des attraits que n’ont point tous les plaisirs dont le luxe le plus prodigue pourroit les enivrer.

Il seroit difficile de déterminer quelle est, dans la constitution primitive de l’esprit, la liaison entre la délicatesse du goût & la vivacité des passions ; mais il me paroît qu’il y en a une très-étroite. Les femmes, qui ont les passions plus vives que nous, ont aussi