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Essais

Enfin, si le grand nombre se laisse gouverner par l’intérêt, l’intérêt lui-même, aussi-bien que toute la vie humaine, est soumis à l’empire de l’opinion. Or depuis Environ cinquante ans, la liberté & le progrès des sciences ont fait un changement considérable dans les opinions. La plupart des habitans de notre isle se sont dépouillés de cette vénération superstitieuse qu’on avoit autrefois pour les noms & pour les autorités. Le clergé a beaucoup perdu de son crédit : on a tourné en ridicule ses dogmes & ses prétentions : la religion elle-même a de la peine à s’en sauver. Le nom du roi n’est pas fort respecté ; & si quelqu’un s’avisoit aujourd’hui de l’appeller le vicaire de Dieu sur la terre, ou de lui conférer un de ces titres magnifiques dont autrefois le genre humain étoit si ébloui, il ne feroit qu’exciter des éclats de rire. Il est vrai que dans des tems tranquilles la couronne peut, par le moyen de ses grands revenus, maintenir son autorité, en influant sur les esprits intéressés. Mais au moindre choc, à la moindre convulsion de l’état, les motifs