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Essais

lien de passable dans ce genre. Et c’est une nouvelle raison pour nous engager à cultiver les beaux-arts. Notre jugement se fortifiera par cet exercice : nous nous formerons des idées plus justes de la vie humaine : plusieurs choses qui contristent ou réjouissent les autres, nous paroîtront trop frivoles pour y faire attention, & nous perdrons peu-à-peu cette excessive sensibilité, cette grande vivacité qui nous est si fort à charge.

Mais peut-être ai-je été trop loin, en disant que le goût des beaux-arts éteint les passions, & nous donne de l’indifférence pour ces objets qui sont si fort recherchés des autres hommes. En y réfléchissant plus mûrement, je trouve que ce goût augmente plutôt notre sensibilité pour les passions douces & agréables, & qu’il n’étouffe que les passions grossieres & féroces.


—— Ingenuas didicisse fideliter artes,
Emollit mores, nec sinit esse feros.


& j’en conçois deux raisons très-naturelles.

Premiérement rien n’est plus propre à adoucir l’humeur, que l’étude des beautés,