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Page:Hume - Œuvres philosophiques, tome 6, 1788.djvu/191

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Moraux et Politiques

Auprès d’un immense trésor,
Certain avare expira de misere,
Et dans sa demeure derniere
N’emporta qu’un denier, qu’on lui plaignit encor.
Car telle est la gente héritiere :
Vous lui laissez des monceaux d’or ;
Elle plaint au défunt le bûcher ou la biere.
Notre ombre arrive au Styx dans le tems que Caron
Recevoit son droit depassage,
Et repoussoit de l’aviron
Quiconque n’avoit pas pour payer son voyage.
Mais l’avare, amoureux de son pauvre denier,
Ne peut s’en dessaisir. Il fraude le péage :
À la barbe du nautonnier,
Dans le milieu du Styx il se jette à la nage,
Fend le fleuve. On a beau crier ;
L’ombre, à force de bras, atteint l’autre rivage.
Cerbere, à son aspect, aboya triplement.
Bientôt à l’affreux hurlement
Des noires sœurs vient la cruelle bande,
Qui se saisit dans le moment
De cette ombre de contrebande.
On la mene à Minos, le cas étoit nouveau ;
On veut par un exemple assurer le bureau.
Vous eussiez vu Minos rouler dans sa cervelle
Le crime & la punition.
L’ombre avare mérite-t-elle
Le tourment de Tantale ou celui d’Ixion ?
L’enverra-t-il relayer Prométhée,
Ou bien aider Sisyphe à rouler son fardeau ?