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LE MASSACRE DE LACHINE

par un piquet de soldats de sa prison à la place en avant du Fort. Toute la garnison avait été formée en carré, faisant face au Fort, et à l’intérieur du carré se tenait le marquis de Denonville et les officiers composant la cour martiale. L’accusé fut amené en dedans des lignes. Il était pâle et abattu, mais avait conservé l’attitude d’un homme qui se sent innocent. Tous les soldats étaient convaincus de son innocence, et même les juges étaient persuadés que la loi sur laquelle ils avaient dû baser leur décision n’était pas entièrement satisfaisante. Toutefois les impérieuses rigueurs du code militaire ne laissaient pas d’autre alternative ; on avait donné au prisonnier le délai demandé, mais, contrairement à l’attente générale, ce délai n’avait pas tourné à son avantage.

Le marquis de Denonville, d’une voix émue, donna ordre à son secrétaire militaire, le lieut. Vruze, de lire la sentence de la cour martiale.

Vruze s’avança, sous les regards indignés de toute la garnison, et, se plaçant en face du prisonnier, il lut la sentence suivante :


C’est moi qui ai mis le feu au wigwam du Serpent

« Le lieut. de Belmont sera dégradé ; le prévôt-maréchal brisera l’épée du lieutenant sous ses yeux et lui arrachera ses épaulettes ; le lieutenant sera ensuite transporté en France et mis aux galères durant le bon plaisir de sa majesté le roi Louis. »

Le jeune homme écouta cette lecture sans perdre contenance, et, se retournant, salua les officiers de la cour martiale, puis les soldats, qui pouvaient à peine contenir leur indignation.

Au moment où le prévôt-maréchal allait s’acquitter du pénible devoir qui lui était imposé, un grand cri, partant du côté de la porte du Fort, se fit entendre ; le prévôt s’arrêta, le marquis et les officiers jetèrent un regard inquiet dans la direction indiquée.

Au bout de quelques instants, on aperçut une bande de sauvages précédés par un guerrier de haute taille, et l’œil de M. de Callières avait reconnu leur costume.

« Quels sont ces hommes ? demanda le marquis de Denonville.

— Des Hurons, » répondit le vétéran avec une satisfaction qu’il ne put dissimuler.

Les soldats entendirent ces paroles, et un long cri de joie fit retentir les échos de la forêt.

À un signal du gouverneur, on laissa entrer le chef des Hurons