Page:Huot - Le massacre de Lachine, 1923.djvu/43

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
41
LE MASSACRE DE LACHINE

« Et maintenant, jeune guerrier, tu vas rester à l’avant du canot, les yeux fixés sur le canot abénaquis, tandis que mon frère et moi nous serons aux rames, dit le chef huron. Si nous arrivons le long de leur canot, mon frère et moi nous l’aborderons, nous tuerons le Serpent, et le reste à notre bonne chance ; tu resteras dans le canot avec la jeune fille et, quoiqu’il advienne, tu pourras la mener en lieu de sûreté.

— Je resterai avec vous jusqu’à la fin, dit de Belmont. Je déteste le Serpent autant que vous le haïssez. Le lâche ! il était dans la maison de pierre avec nous, et deux heures avant l’incendie, il a fui par la porte de derrière, chargé de butin. Il est pis qu’un Iroquois.

— Tu le connais enfin ! » observa sèchement Kandiarak. Pendant ce temps, le canot, poussé par les bras vigoureux du Huron et de Tambour, franchissait rapidement l’espace ; de temps en temps, Belmont, de son poste, annonçait que le canot abénaquis était toujours en vue.

Après avoir ramé péniblement pendant deux heures, le Huron qui, se fiant dans la légèreté de son canot avait pensé pouvoir rejoindre le canot plus lourdement chargé des Abénaquis, résolut de se borner à le tenir en vue jusqu’au point du jour, ne pouvant l’aborder.

Enfin, l’aurore parut et l’on put distinguer d’abord la poupe, puis tout le canot des ennemis. Cinq Abénaquis le montaient.

À un signal du Huron, de Belmont quitta son poste d’observation et, prenant la rame de Tambour, il se mit à ramer de pair avec le Huron infatigable.

Tambour se rendit à l’avant, et levant sa carabine au moment où le canot s’élevait sur une vague, il tira. Un cri se fit entendre, et quand la fraîche brise du matin eut dissipé la fumée, il y avait un homme de moins à bord du canot ennemi.

Kandiarak regarda Tambour et, avec un sourire de satisfaction : « Bien touché, frère des Hurons ! »


Ils plongèrent tous les deux.

Tambour chargea le fusil et prit la rame du Huron. Le chef se porta à l’avant et appuyant son fusil sur le bord du canot, il visa le sauvage qui ramait à l’arrière. Un cri aigu retentit et, un instant après, l’Abénaquis atteint tomba à l’eau.

Après avoir chargé le fusil, le Huron prit la rame de Belmont, et le chef et Tambour redoublant d’énergie, eurent bientôt la satisfaction de s’apercevoir qu’ils gagnaient sur leurs ennemis.

Le Serpent, voyant que le canot huron s’approchait, fit virer le sien et rama vers la rive sud, avec l’intention de gagner la forêt s’il pouvait arriver à terre. Mais le Huron, qui devina son projet, fit un effort surhumain et se trouva bientôt entre le canot ennemi et la rive. Le Serpent, voyant que la retraite lui était coupée, prit une résolution désespérée. Mettant l’avant de son canot en ligne avec le courant, il se dirigea vers le rapide de Lachine, avec l’intention de gagner la cité de Montréal où il savait que son ennemi ne le suivrait pas.

Le Huron comprit immédiatement le dessein du Serpent ; il fit asseoir Tambour à l’avant du canot et de Belmont au milieu. Quant à