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LE TRÉSOR DE BIGOT

votre ami. Ah ! si vous vouliez le croire, il y aurait bien des difficultés aplanies.

Mais le vieillard était méfiant :

— Vous me semblez sortir du même sac que les autres, fit-il.

À ce moment les trois bandits revenaient sur leurs pas. Madeleine et Jules se cachèrent précipitamment derrière le bosquet.

Tricentenaire devait à peine finir de ligoter le père Latulippe quand ils pénétrèrent dans la caverne.

— Tiens, vous revoilà, dit la voix de Tricentenaire. Vous ne voulez donc pas obéir au chef.

— Nous sommes revenus pour nous assurer que tu ne trahissais pas la cause. Mais tout va bien. Au revoir.

Ils allaient sortir, quand l’un d’eux déclara :

— Amusons-nous donc quelques instants à essayer de faire lâcher son secret au bonhomme.

— Eh ! le père, dit la même voix, consentiriez-vous à nous faire voir la fosse si nous vous brûlions le bout des doigts pendant quelques minutes ?

— Jamais ! Jamais de ma vie !

— Très bien. Nous allons voir.

Les jeunes gens entendirent une allumette qui craquait.

Puis le vieillard poussa un hurlement de douleur.

Les bandits mettaient-ils à exécution leur menace de lui brûler les doigts ?

Soudain Tricentenaire déclara :

— Si le chef apprend jamais les inutiles souffrances que vous faites endurer à ce vieillard, il va vous en cuire ! Qui de vous a tiré sur Jules Laroche ce matin ? Le chef vous a toujours défendu de tuer, de blesser même. Vous deviez vous emparer de Jules Laroche vivant. Ah ! Je vais lui dire comment vous traitez le père Latulippe et si vous n’êtes pas envoyés aux orties, je serai le plus surpris des hommes.

L’un des bandits déclara alors aux deux autres :

— Retenez donc ce jeune coq pour qu’il ne me dérange pas pendant que je vais brûler les doigts du bonhomme pour lui délier la langue.

Les hurlements de douleur reprirent de plus belle. Le père Latulippe pleurait, gémissait, implorait, insultait.

— Dis-moi ton secret de la fosse du noyé et je cesserai de te brûler.

— Non, jamais tu ne le sauras, bandit.

— Ah ! vous me retenez prisonnier pendant que vous martyrisez ce vieillard, fit la voix de Tricentenaire ; le chef va le savoir.

— Veux-tu nous ficher la paix avec le chef, blanc-bec. Le chef ! le chef ! Eh bien ! le chef nous a dit qu’il voulait le secret de la fosse du noyé. Et nous l’aurons !

Soudain les gémissements du vieillard cessèrent et un sourd bruit de chute parvint aux deux jeunes gens.

Le vieillard était-il tombé sur le parquet évanoui !

Tricentenaire déclara :

— Bandits, vous l’avez tué. Qu’est-ce que le chef va dire !

— Très bien, très bien, Champlain. Ne t’inquiètes pas de nous. Nous arrangerons notre affaire avec le chef. Tu peux maintenant avoir ton vieux. Nous te quittons.

Et ils sortirent.

Resté seul, Tricentenaire monologua :

— Non, grâce au ciel, il n’est pas mort ; il n’est qu’évanoui… Allons chercher de l’eau pour le ranimer.

Le secrétaire de Jules sortit alors avec une chaudière qu’il lança à la rivière et retira ensuite, pleine d’eau, au moyen de la corde qui y était attachée.

Il retourna à l’intérieur de la caverne pour en sortir quelques minutes plus tard emportant dans ses bras le père Latulippe toujours évanoui.

Madeleine et Jules suivirent de loin.

Que signifiait l’attitude de Tricentenaire ? Était-il ligué avec les bandits ou bien disait-il vrai quand il se prétendait l’ami du vieillard ?

Ces questions, Jules Laroche se les posait sans pouvoir y répondre.

Champlain déposa son fardeau humain à l’arrière du Sedan et le couvrit soigneusement d’une chaude couverture de laine.

Le soir tombait et le temps était plutôt frais.

Le jeune détective dit à Madeleine :

— J’ai fort bien fait de cacher mon « Racer » sous ce grand chêne, dans les broussailles, là-bas. Autrement, les bandits et Champlain l’auraient vu et auraient sans doute soupçonné qu’ils étaient espionnés.