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Page:Huot - Le trésor de Bigot, 1926.djvu/42

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LE TRÉSOR DE BIGOT

chercher à vous enfuir de cette maison d’ici à ce que nous partions ?

— Oui.

Le père Latulippe regardait continuellement le détective et paraissait perplexe.

Il avait l’air de se demander s’il était en face d’un bandit ou d’un représentant de la loi.

Le vieux doutait. Entêté comme un bouc, il hésitait à mettre de côté sa première opinion.

— Vous n’auriez pas une paire de lunettes ici, dans la maison ? questionna-t-il.

Jules éclata de rire.

— Tenez, bon vieux, vous n’êtes pas encore sûr de mon identité et vous voulez voir la photographie du journal. Malheureusement, il n’y a pas de lunettes dans la maison. Je n’en porte pas et tous les membres de mon personnel ont la vue bonne. Dans le métier, c’est nécessaire.

— Je parie que vous saviez que je n’avais pas de lunettes et que c’est à cause de cela que vous avez fait semblant de me montrer le photographie.

La situation se compliquait de nouveau.

Le vieux redevenait soupçonneux.

Le détective eut une idée.

— Allez à la fenêtre, père Latulippe, dit-il, je vous donne la permission de héler un agent de police. Il y en a presque toujours dans le Jardin-du-Fort, tout près. Cet agent va vous dire qui je suis.

Le vieillard s’empressa de se rendre à la fenêtre et de crier.

Comme Jules regardait, il vit un agent accourir.

— Allez ouvrir la porte à cet agent et introduisez-le ici, dit-il à la bonne.

Quelques instants plus tard, la police entrait dans le petit salon.

— Savez-vous qui est cet homme ? questionna le père Latulippe.

— Mais oui, c’est monsieur Jules Laroche, détective, et un fameux détective aussi.

Le vieillard poussa un soupir de soulagement. Il était à demi convaincu.


XIII

JULES LAROCHE ET CHAMPLAIN-TRICENTENAIRE


Le détective avait quitté le petit salon pour se rendre dans son cabinet de travail, quand il entendit les pas de Tricentenaire qui entrait.

— Monsieur Laroche est-il de retour ? demanda le secrétaire à la bonne.

— Oui, il est là, dans le cabinet.

Champlain se dirigea vers la pièce où se trouvait le détective et frappa à la porte.

— Entrez !

Tricentenaire apparut à son maître, gauche, presque timide, roulant sa casquette dans ses mains.

— Monsieur Laroche, j’ai quelque chose à vous dire.

— Ce n’est pas trop tôt, pensa le détective.

Puis à voix haute :

— Je m’en doutais bien un peu, Champlain. Assieds-toi, je suis tout oreilles.

Le secrétaire toussa, hésita, puis commença son histoire de curieuse façon :

— C’est moi, monsieur Laroche, dit-il, qui ai averti ce matin la police par téléphone qu’on allait vous attaquer sur la Terrasse.

— Saperlipopette ! s’écria le détective fort étonné. Cette fois je ne m’en doutais pas. Toute la journée, je me suis demandé quel était ce charitable inconnu. Oh ! c’était toi, Tricentenaire. Mais où avais-tu appris qu’on allait m’attaquer ?

Tricentenaire se recueillit :

— C’est une histoire longue, fit-il. Je vais vous la raconter. Hier, sur le bateau de la Traverse de Lévis, vous m’avez surpris en compagnie de mon malheureux père. Il voulait me convaincre de vous trahir et de me joindre à la bande de criminels dont il fait partie. Je refusai carrément. Alors il me menaça de me faire arrêter.

Tricentenaire baissa la tête :

— Comment ! Te faire arrêter ! Mais quel crime as-tu commis ?

Le secrétaire rougit :

— Mon père m’avait appris à voler avant d’être condamné à la prison, et je le suivais, bien à contre-cœur, croyez-moi, dans ses sinistres pérégrinations nocturnes.

— Quel âge avais-tu alors ?

— J’avais peut-être onze ans.

— Mais c’est une vieille, vieille histoire.

Jamais un juge ne te condamnerait pour cela. D’ailleurs, ton père, en t’accusant, se serait accusé lui-même et aurait certainement attrapé de nouveau du bagne.

— C’est ce que je me suis dit tout de suite et je ne pris pas ses menaces au sérieux. Mais une idée me vint que je crus merveilleuse, et je simulai la crainte. Vous vous rappelez les paroles menaçantes de mon père