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Page:Huot - Le trésor de Bigot, 1926.djvu/45

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LE TRÉSOR DE BIGOT

doigts, pleura-t-il. Non, je ne vais pas à St-Henri. Je reste ici.

Et il cria de toute la force de ses poumons :

— Au secours ! Au secours !

Une foule de curieux s’était déjà formée autour du groupe composé du détective, de son secrétaire et du vieillard.

Un agent de police accourait.

Jules Laroche dut de nouveau expliquer les faits à l’agent. Ce dernier réussit à pacifier le père Latulippe qui, enfin, consentit à monter dans la voiture, à l’arrière.

Champlain allait s’asseoir près de lui quand le vieillard le repoussa :

— L’autre m’a promis que je serais seul sur mon siège. Va t’asseoir ailleurs, jeune poulain. Ainsi je serai plus sûr de ne pas me faire attaquer.

— Viens près de moi, fit le détective, qui cette fois remplaçait Tricentenaire au volant.

Enfin l’automobile s’ébranla et les nombreux curieux la regardèrent disparaître au coin du Château Frontenac.

Le trajet se fit sans incident jusqu’à St-Henri.

Tricentenaire ne jeta qu’une seule fois un regard en arrière ; car le père Latulippe lui dit qu’il ne voulait plus voir sa face de jeune poulain. Cette appellation ne semblait pas plaire beaucoup au secrétaire et factotum du détective.

Jules avait arrêté l’auto quelques instants à Sorosto pour envoyer Tricentenaire avertir la fille du vieillard que tout était pour le mieux et que son père était délivré.

Le notaire et sa fille étaient couchés quand ils arrivèrent à St-Henri. Il était en effet tard dans la soirée.

Le détective sonna à la porte. Il n’obtint aucune réponse.

Pendant cinq minutes il avait fait jouer la sonnerie sans succès quand il entendit soudain des bruits de pas descendre l’escalier sans doute.

— Qui est là ? fit la voix du notaire.

— C’est votre ami, le détective Laroche. Un silence…

Puis Jules entendit la voix du père Morin qui disait :

— Je ne reconnais pas sa voix.

Le détective ne put s’empêcher de sourire.

Le notaire prenait ses précautions !…

La voix de Madeleine s’éleva :

— Mais oui, papa, c’est monsieur Laroche. Je l’ai reconnue, sa voix, moi.

— C’est que, monsieur, qui que vous soyez, c’est la seconde fois qu’on sonne à notre porte ce soir et qu’on répond : « Monsieur Laroche » quand je demande : Qui va là ?

— Diable ! pensa le détective, Les bandits se font passer pour moi ! Ça se corse ! Ça se corse !

Mais le notaire ne voulait toujours pas ouvrir.

— Écoutez, dit-il, je vais téléphoner au curé de venir ici. S’il vous reconnaît, je vous laisserai entrer.

— Pourquoi déranger le curé, notaire. J’ai ici le père Latulippe. Reconnaîtrez-vous sa voix ?

— Non, non, ça ne fait pas. Le père Latulippe peut bien encore être entre les mains des bandits.

Le centenaire déclara alors :

— Vous savez, notaire, je ne sais pas du tout, moi, si ce sont des chenapans ou des honnêtes gens.

Le père de Madeleine téléphona au curé, car, quelques minutes plus tard, l’abbé Morin arrivait.

Le notaire ne fit plus d’objection et ouvrit la porte. Mais il tenait son revolver braqué sur les arrivants comme le curé, Jules Laroche, le père Latulippe et Tricentenaire entraient. Le père Latulippe se jeta dans les bras de Madeleine :

— Ah ! ma petite fille, ma petite fille, quelle terrible journée ! gémit-il. Mais je t’ai conservé le secret de la fosse du noyé. Je suis un vieil entêté, va ! On m’aurait tué là que je n’aurais pas parlé.

Le détective raconta ce qui s’était passé, n’omettant pas de faire mention de la conduite exemplaire de Champlain.

La jeune fille regardait le jeune serviteur avec admiration. Dire qu’elle l’avait cru traître à son maître !… Eh ! oui, elle avait eu de forts soupçons sur lui.

— Nous aussi, nous avons du nouveau depuis votre départ, monsieur Laroche. Papa l’a en partie raconté. Un homme a frappé à la porte, il y a environ une heure, et a voulu se faire passer pour vous. Mais je me suis de suite aperçue que ce n’était pas votre voix. Et nous n’avons pas ouvert.

— Vous avez bien fait.

Le notaire demanda au détective :

— Avez-vous des soupçons sur le but que cet individu se proposait en entrant ici ?

Le détective réfléchit :

— Oh ! dit-il, il n’y a qu’une explication possible. Les bandits seront retournés à la caverne et se seront aperçus que Tricentenaire les avait trahis et s’était sauvé avec le