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Page:Huot - Le trésor de Bigot, 1926.djvu/50

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LE TRÉSOR DE BIGOT

Ils roulèrent tous deux à terre. Café semblait impatient de prendre part à la lutte ; mais le détective lui fit signe de rester dans son coin, bien tranquille. Café obéit.

La lutte continuait, âpre, serrée, sans merci. Jules réussit à s’emparer d’une main du bandit et lui tordait le poignet. L’autre gémissait de douleur. Mais il se dégagea vite l’autre main et le détective reçut en pleine figure un coup de poing qui l’étourdit.

Des bruits de pas se firent entendre au dehors.

Le détective comprit que la bande arrivait. Il fallait en finir à tout prix, s’il voulait sauver sa vie.

Mais son adversaire qui, lui aussi, avait entendu le bruit, le retenait maintenant de toute sa force pour l’empêcher de prendre la fuite.

Jules fit signe à Café de se cacher mieux.

Il reconnut de suite le premier bandit qui entrait : c’était Jean Labranche. Le chef était accompagné de cinq compagnons, parmi lesquels trois n’étaient pas des inconnus du détective, car il les avait déjà fait condamner à la prison.

Labranche contempla les deux lutteurs, tira une bouffée de cigarette et demanda tranquillement :

— Qu’est-ce que cela signifie ?

Comme il n’obtenait aucune réponse des deux hommes, le chef s’adressa aux autres et leur ordonna :

— Séparez-moi ces deux brutes, dit-il.

Son ordre fut exécuté sur le champ.

Quand Jules Laroche, retenu par quatre poignes solides, apparut devant Jean Labranche, celui-ci eut un sourire moqueusement aimable :

— Je ne m’attendais pas, dit-il, à rencontrer ici, cette nuit, mon rival qui, plus heureux que moi, a réussi à s’accaparer le cœur de Madeleine.

Puis sérieusement, mais toujours avec un calme aussi superbe que celui que le détective affectait toujours, il commanda :

— Qu’on ligote cet homme. Mais je ne veux pas qu’on touche à un cheveu de sa tête. Celui qui le maltraitera de quelque façon que ce soit devra m’en répondre. Ce sont mes ordres.

Se tournant alors vers l’autre bandit encore tout essoufflé de la lutte qu’il avait soutenue, il poursuivit :

— Tu as bien travaillé, John. Je t’en récompenserai.

Le détective était déjà ligoté. Pieds et mains liés, il était impuissant comme un enfant dans son berceau.

Mais n’y avait-il pas Café ?

Il fit un signe de tête imperceptible au chien toujours caché derrière la boîte. Café comprit que son maître lui indiquait les trois sacs qui étaient restés dans un coin de la caverne, invisibles dans le pénombre. Un travail lent se fit dans sa cervelle de chien.

Allait-il comprendre ?

Le détective le regardait furtivement avec une angoisse qu’il ne pouvait toute dissimuler.

L’animal restait toujours à sa place, indécis. Soudain, le détective eut un éclair de joie. Café se levait…

Lentement, frôlant le mur pour ne pas éveiller l’attention des bandits, le chien se dirigea vers les sacs. Puis le détective le perdit de vue dans l’obscurité.

De longues minutes s’écoulèrent. Elles semblaient des siècles à Jules qui gisait par terre, ficelé, dans l’incapacité complète de faire le moindre mouvement.

Les bandits s’étaient éloignés de lui et causaient près de l’ouverture de la caverne.

De temps en temps, l’un d’eux jetait un regard sur lui. Le chef surprit un de ces regards et dit en riant :

— Ne t’inquiète pas, José. Le détective ne nous échappera pas. J’ai examiné attentivement ses liens.

À ce moment, Jules Laroche sentit la langue de son chien qui lui léchait la joue. Ses liens l’empêchèrent de manifester sa surprise autrement qu’en remuant la tête.

L’animal était revenu si prudemment que le détective ne l’avait pas remarqué.

— Cher Café, pensa-t-il, je lui avais dit de ne pas aboyer et il m’a obéi. Peu de chiens seraient restés aussi tranquilles pendant que leur maître était attaqué. Mais j’ai dû lui jeter plusieurs coups d’œil sévères pour arrêter son élan pendant la lutte puis, plus tard, quand ils me ficelaient.

L’un des bandits proposa une partie de cartes.

— Ça nous empêchera de dormir, dit le chef, jouons au poker.

— Je croyais que nous allions partir, remarqua le bandit qui avait assailli le détective.

— Pourquoi cela ?

— Mais le père Lacerte n’a-t-il pas été arrêté ?

— Oui, mais qui te l’a dit ?

— C’est le maudit détective.

— Il a été arrêté ; mais c’est un truc de la police. Ils ne peuvent faire de cause contre lui. Nous restons ici. Il n’y a pas l’ombre d’un danger.

Jules réfléchit qu’il était dans une fort