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ENQUÊTE

pratiquait Villon, et qu’on recherche les alliances de mots comme faisait Racine : mais pas des phrases entières ! Qu’on adopte des simplifications de tournures pour faire plus clair, plus vif, mais qu’on se borne là. Ne nous exposons pas à la douloureuse gymnastique de cerveaux de vieillards qui s’exprimeraient dans la langue des enfants. Nous sommes à la fin d’une civilisation. Il nous faut une langue nouvelle, — suprême.

Si Moréas croit faire une école, il se trompe de date. Les classiques se sont groupés, plus ou moins, sous la férule de Boileau ; les romantiques ont pu s’unir pour rendre le mouvement et la couleur, l’extériorité des passions ; les naturalistes se sont groupés dans un laboratoire, chacun y apportant sa parcelle d’analyse. Mais nous qui sommes appelés à faire la synthèse du cerveau classique, de la vision et de la passion romantiques et du bassin naturaliste, nous ne pouvons pas nous grouper ; il faut s’isoler pour une besogne de cet ordre. Moréas se trompe de date, vraiment.

D’ailleurs Moréas n’est pas un symboliste. Si nous donnons au mot symbole un sens précis, le talent de Moréas s’arrangerait mal de cette définition. Il s’exprime directement ou par des allégories ; et il y a une confusion perpétuelle entre l’allégorie et le symbole ; le symbolisme est une transposition dans un autre ordre de choses ; Moréas serait donc plutôt