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XIV
AVANT-PROPOS

révélèrent inaptes aux abstractions, aux développements ou même au simple langage des idées. Ensuite, les idées ne semblaient les préoccuper que secondairement ; ils n’en usaient que comme des armes de combat, des épées ou des cuirasses, mais d’un usage utile seulement pour parer leur gloriole et pourfendre les vanités rivales. Le romancier consacré ne voyait dans le naturalisme que l’étiquette sous laquelle s’était achalandé son talent, et le poète symboliste, dans le symbolisme, que la bannière où s’affichait son génie. Et, de la sorte, on a pu voir ménager les amis du camp adverse en même temps qu’égratigner ou mordre les camarades du même bord ; on se taisait sur l’un pour lui faire expier la dignité de sa vie ; on blaguait celui qui avait eu des succès d’estime, et on ne pardonnait pas à celui qui avait obtenu des succès d’argent ; on faisait valoir des inconnus dont on ne redoutait pas le talent, pour ennuyer ceux qui déjà connaissaient le succès !

De là ce résultat inattendu, mais dont je me félicite pour les lecteurs (car il faut bien me féliciter de quelque chose), que si mon enquête n’offre pas à l’histoire littéraire de théorisations suffisantes, elle révèle à l’histoire générale les passions foncières, les dessous d’esprit, les mœurs combatives d’un grand nombre d’artistes de ce temps. La besogne accomplie, de la sorte, malgré moi, si les