Page:Huret - Enquête sur l’évolution littéraire, 1891.djvu/288

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
262
ENQUÊTE

réponse. Votre lettre est venue me chercher si loin ! À ces distances, les querelles littéraires semblent un peu vaines. Mais l’enquête que vous poursuivez se recommande à l’intérêt de tous, tous y doivent apporter leur contribution. Je me suis bien souvent posé à moi-même les questions qui en font l’objet : je ne crois pas à la valeur absolue des théories déduites, mais j’estime qu’un artiste, à notre époque réfléchie, doit prendre conscience de l’évolution où il participe, et du rôle que personnellement il y peut jouer.

« Malheureusement, cette conscience ne s’acquiert pas d’un seul coup. Je veux espérer que j’arriverai quelque jour à une lucidité parfaite : pour l’instant, mes idées me semblent plutôt en voie de formation. J’envie la sécurité de mes confrères qui ont pu résoudre d’emblée les difficultés que vous proposez à notre examen.

« Pour moi, j’ai fréquemment varié, et je me flatte de n’être pas encore paralysé dans une certitude. Je ne vois guère qu’un principe, d’apparence bien élémentaire, presque naïve, sur lequel je ne saurais transiger : c’est qu’un artiste, même dans le roman à sujet contemporain, dans le roman que nous prenons sur le vif, doit avoir pour unique souci de faire œuvre d’art et de créer de la beauté.

« À ce titre, je répudie les théories naturalistes, qui, appliquées à la lettre, feraient en somme du roman une œuvre utilitaire ou encyclopédique ; je répudie