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SUR L’ÉVOLUTION LITTÉRAIRE

Bourget, car, lui aussi, a fait dans le temps des vers très distingués, et Gabriel Vicaire ! Il est personnel, celui-là, je suppose ; ses Émaux Bressans ne sont-ils pas un pur bijou ! et qui ne doit rien à personne. Et Fabié, qui a chanté son Rouergue d’assez jolie façon, je pense ! Il y en a d’autres encore parmi les jeunes, tenez, il n’y a qu’à chercher… Ajalbert, par exemple. Connaissez-vous ses Paysages ? C’est très bien, cela ! J’y mets peut-être un peu de complaisance, parce qu’il est plus près de mon cœur, car il m’a lu. Évidemment, cela se voit ; il fait plus réaliste, mais il m’a lu. Mais, enfin, c’est plein de talent quand même !

Ah ! je ne dis pas qu’il n’en sortira pas un de tous ces jeunes ! Je l’espère même beaucoup, je le répète. Mais il n’en vient pas trente-six tous les matins ; c’est rare, un vrai poète, vous savez ! Il ne suffit pas de prendre des inscriptions dans une école de brasserie… Faire des vers, parbleu, ce n’est pas difficile. Ils font un embarras sans pareil avec leur technique… Mais moi je me charge d’enseigner à faire des vers comme Brard et Saint-Omer apprenaient l’écriture, en vingt leçons ! (Je mettrais une enseigne, là : Poésie en vingt cachets !) Qu’on m’amène un jeune homme intelligent et tant soit peu lettré, oui, en quinze jours je lui apprends son métier. Ah ! bien sûr qu’il ne saura pas faire des vers variés, avec de la couleur, etc. Je ne lui donnerai pas du génie s’il n’en