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SUR L’ÉVOLUTION LITTÉRAIRE

— S’il y a une évolution nouvelle, elle a ses causes dans le passé. Tout a été dit, tout a été fait. Les générations nouvelles donnent un costume et un tour nouveau à ce qui fut autrefois. J’ai beaucoup lu et je pourrais vous retrouver sans longtemps chercher la genèse des idées présentes.

Il y a, par exemple, un renouveau magique pour le moment. Le livre si suggestif de M. Huysmans, Là-bas ! a remis la magie à l’ordre du jour. Mais les œuvres de M. Péladan, les écrits de M. de Guaita, les traités de M. Papus, qui m’intéressent, ne m’étonnent pas. J’ai connu Éliphas Lévi, qu’ils n’ont pu voir, étant trop jeunes. J’ai fréquenté des mages avant la venue de ces mages récents.

M. Mirbeau, dont le talent est si viril, vous disait, s’il m’en souvient, que l’art doit devenir social pour être à la hauteur des desiderata du siècle. C’est ce qu’Eugène Sue déclarait déjà, il y a cinquante ans. L’instrument chez lui, le style n’était pas à la hauteur de ses visées, mais, comme tant d’autres de sa génération, il avait le sentiment que le cœur de l’artiste doit battre à l’unisson des foules, palpitant de pitié pour les souffrants.

Évolution nouvelle ! Ce qui me frappe encore, c’est l’importance que prend la musique, la notation phonétique dans l’art d’écrire. La musique, le plus sensuel de tous les arts, triomphera, si l’on continue, de la littérature, la plus précise de toutes les manifestations cérébrales. Ceci tuera cela.