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SUR L’ÉVOLUTION LITTÉRAIRE

avec lequel il faut compter, compter si l’on songe au bilan de la fin d’année, compter même si l’on pense au résultat artistique immédiat. Toutes les théories qu’on peut faire sur le théâtre, Gœthe les a à peu près publiées en tête de son Faust, dans ce remarquable dialogue entre l’auteur et le directeur, où chacun plaide pour son saint, tandis que le public, qui n’est pas toujours bon diable, juge en dernier ressort.

Mais il est, lorsqu’on veut être hardi au théâtre, un axiome qu’on devrait toujours se rappeler en se disant qu’une foule est simpliste et que l’œuvre parlée, l’œuvre interprétée choque où l’œuvre écrite et lue au coin du feu pourra plaire. Cet axiome est celui-ci :

Au théâtre, le spectateur n’a pas seulement sa propre pudeur, il a aussi la pudeur des autres.

C’est hypocrisie, si vous voulez. C’est ainsi. Et j’aurais trop à dire si j’entrais dans la discussion. Ce qui est certain, c’est qu’au théâtre encore le nouveau consiste à refaire, avec son propre tempérament, à redire dans son style particulier ce qui a été dit et fait. L’humanité change de costumes, non de sang et de nerfs. Ce sang peut être plus déglobulisé, ces nerfs peuvent être plus tendus et les airs qu’on joue sur des cordes quasi maladives peuvent avoir quelque chose de plus pénétrant et de plus subtil, mais l’homme est toujours identique à lui-même, à moins qu’il ne soit une brute, bonne pour un cabinet d’an-