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SUR L’ÉVOLUTION LITTÉRAIRE

Or, M. Zola s’évertuait jadis à révéler dans ses rudes écrits la coquetterie malsaine du succès, et combien peu il doit guider nos admirations ! Cela nous séduisit. Aujourd’hui le conseiller municipal de Médan, chevalier de la Légion d’honneur, pense de façon différente ; et par là, il nous apitoie.

Car enfin, si on le pouvait prendre à part, sincère et bénévole, force lui serait bien d’avouer que c’est trop commode polémique de nier l’œuvre entier d’un groupe littéraire en critiquant avec rancune l’auteur de quelques sonnets excellents à coup sûr et de quelques pastiches heureux des vieux poètes. Feindre de le tenir pour la seule figure importante du groupe parce que le reportage favorisa cet expert joueur de lyre, voilà qui est malicieux. Au fond M. Zola connaît trop bien les habitudes de notre critique pour ne pas avoir deviné que, si elle mena quelque tapage autour d’un nom, elle jouait là une habile manœuvre d’adversaires, heureux de réduire à la parcimonie d’un seul l’effort d’une série notable de penseurs envahissants. La porte à enfoncer était grande ouverte. C’est sot d’en avoir profité à si grand fracas.

Car M. Zola nous accabla fort.

Très fier de sa grosse vente, il insinue constamment qu’elle prouve l’infaillibilité de son génie et de son jugement. La raison est misérable. Il devrait se souvenir que MM. Ohnet et Daudet, par exemple, vendent à peu près autant : et cela ne suffit cependant point à leur acquérir l’estime des artistes qui ne dînent pas chez eux. Il lui faudrait bien en outre réfléchir que le jour où son libraire vend 100.000 volumes de Nana, 99.900 acheteurs s’imposent la dépense de 2 fr. 75 afin de lire surtout les quatre passages erotiques y contenus. Les cent lecteurs restants, dont je me pique d’être, admirent seuls sa virtuosité d’artiste. Par