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SUR L’ÉVOLUTION LITTÉRAIRE

J’avais épuisé mon questionnaire et nous causions de choses à côté, des gens en place, des esprits réfractaires à toute nouveauté, quand, par hasard, le portrait du général Boulanger, placé sur la cheminée, à côté de la photographie du maître de céans, d’après un tableau de Jacques Blanche, frappa mon regard. Et je dis à Barrès :

— Les symbolistes ne seraient-ils pas, au fond, les boulangistes de la littérature ?

Il sourit imperceptiblement de ses grands yeux tendres, et répondit sans broncher :

— Oui, en effet, il y a bien du vrai, tout au moins en concevant le boulangisme comme vous le paraissez faire au cas particulier.

Sa voix s’enfla un peu jusqu’au ton du discours et il continua :

— Le personnel littéraire aujourd’hui en place ne laissait pas assez vite accès aux jeunes gens qui, sortis de leurs cabinets (où ils sont les plus désintéressés des hommes), retrouvent, à se fréquenter, certaines ambitions (d’ailleurs des plus légitimes). En même temps qu’ils servaient la cause de l’art, peut-être se laissèrent-ils aller à soigner leurs intérêts ; les bons éditeurs et les forts tirages les attiraient. Pour y parvenir, avec des opinions littéraires diverses, ils firent la marche parallèle. Ils essayèrent de donner l’allure précipitée d’une révolution à l’évolution littéraire que désirait le pays. Ils soudoyèrent les petits jour-